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ami et mon frère, vous repoussez ma prière ! Vous ne voulez pas avoir cette pitié pour moi, cette dernière pitié !

Elle aurait amolli l’acier en parlant de la sorte, et le cœur de Néel se fondit.

— Calixte, — fit-il vaincu, je me suis voué à vous. Je me suis donné à vous. Je vous appartiens. Vous pouvez m’envoyer au martyre. N’est-ce pas votre sainte Thérèse, — ajouta-t-il, — qui a dit qu’elle aimerait Dieu jusque dans l’enfer ? C’est de là à présent que je vais vous aimer !

— Non ! dit-elle vivement, il n’y a plus d’enfer quand on aime, et l’idée du bien que vous m’aurez fait à l’heure de la mort, ô mon Néel dévoué ! si je vous reste chère, vous sera peut-être un paradis ! »

Il ne répondit pas. Il l’aimait trop pour la croire, mais il pensait à la grande Malgaigne et au soldat blanc de la Lande-au-Rompu, à qui elle avait dit le sort. Il pensait qu’elle lui avait dit aussi le sien et qu’il était écrit… là où se font les destinées… que Calixte morte, il mourrait…

— Qu’importe que j’épouse Bernardine, — pensait-il pendant que Calixte le croyait résigné pour elle à ce sacrifice, — puisque je suis sûr de mourir ! — Et l’idée d’attacher un dernier sourire à ces lèvres charmantes, en lui