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Cette manière de mettre tout au passé était navrante, et ce mot acheva de faire éclater Néel en sanglots. — Dans l’immersion des douleurs de la vie, un simple mot, comme la dernière goutte d’un verre plein, fait tout déborder.

— Vous m’aimiez… oui… trop peut-être. Ah ! oui, trop, reprit-elle. Et ce n’est pas changé, n’est-ce pas ? vous m’aimez encore…

Pour toute réponse, il la regarda d’un de ces regards qui étreignent l’âme comme les bras étreindraient le corps…

— Oh ! je le crois ! — reprit-elle. Puis après un silence : Eh bien ! si vous m’aimez, cher Néel, que je ne vous sois pas importune ! — dit-elle avec cette grâce humble qui, dans la femme aimée, est la plus grande des toutes-puissances. Voici le moment venu de me le prouver.

Néel, qui devina, sentit la colère passer sous ses larmes. La veine de son front devint d’un bleu livide.

— Revoilà mon violent ! — fit-elle en souriant, — mais venez près de moi et mettez-vous là où vous étiez tout à l’heure… — Et il s’agenouilla, au bord du lit, sur le tapis.

Elle lui posa la main sur le front comme une mère l’eût fait à son enfant.

— Ô mon cher Néel ! reprit-elle, mon unique