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navrante mélancolie. Néel tomba à genoux auprès du lit, tenant cette main qui sentit ses baisers et qui se retira doucement de dessous ces lèvres brûlantes…

— Vous l’avez vu ? parlez-moi de lui ! — fit-elle avec des yeux avides.

— Mais non ! plutôt, ne m’en parlez pas ! ajouta-t-elle en se reprenant, comme si elle eût deviné ce qu’il allait dire. Est-ce que je ne sais pas tout ?…

Et elle se tut aussi… Elle leva au ciel des yeux où se peignaient l’amour et l’admiration pour son père, mêlés à une indicible horreur, et deux larmes, — seulement, — coulèrent en silence sur son visage, redevenu pâle et beau.

… Était-elle sauvée ? comme l’avait dit l’abbé dans sa joie. Le docteur, attentif à ce que ne voyaient pas les autres, avait tristement et imperceptiblement hoché la tête au mot de l’abbé Méautis. — S’il n’y avait eu qu’une maladie (dit-il plus tard), peut-être eût-elle été sauvée par cette réaction aussi foudroyante que l’avait été l’invasion du mal et qui l’avait si rapidement déplacé ! Mais il y en avait deux.

Sous l’effroyable désordre sanguin causé par la violence d’une émotion, et probablement dans un de ces moments où les jeunes filles sont plus exposées à des révolutions soudaines,