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grandir dans son cœur contre l’abbé une horrible fureur de haine qui tout à coup séchait ses larmes et qui le rendait impie et sauvage.

Lorsqu’il pensait qu’après tout c’était ce prêtre qui lui avait tué sa Calixte, il était tenté de se jeter sur lui comme la première fois et de le déchirer, et il n’était désarmé que par les larmes de l’abbé, presque aussi malheureux qu’il l’était lui-même, malgré la confiance qu’un prêtre si saint devait avoir en Dieu et dans la prière.

Hélas ! l’abbé Méautis avait eu recours à cette prière avec plus de flamme que d’apaisement. Il ne s’était pas contenté de prier lui-même : il avait voulu que sa chère pénitente Calixte pût profiter de cette grande communion de la prière, instituée par celui qui a dit : « Lorsque plusieurs d’entre vous seront rassemblés en mon nom, je serai au milieu d’eux. » Comme curé de Néhou, il avait recommandé au prône sa paroissienne, la mourante du Quesnay. Il avait pour elle prescrit les prières publiques des Quarante Heures, comme on fait dans les jours de fléau, pendant une inondation ou un incendie.

« Ce serait, en effet, chrétiens, un fléau pour vous, dit-il en chaire, si elle mourait, cette sœur que vous avez si longtemps calomniée et qui nourrissait tous les pauvres de la con-