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défait, ce n’était plus Calixte ; c’était une dérision de la Calixte qu’il aimait, une atroce dérision de la vie !

L’idée qu’il ne verrait plus le regard adoré s’arrêter sur lui, encore une fois, avec sa douceur infinie et son intelligent rayon ; qu’il n’entendrait pas de cette bouche sans sourire et que la mort allait fermer le dernier adieu, le dernier mot de tendresse sur lequel on peut vivre encore quand on l’a entendu ; que cette main qui n’était plus que le siège de mouvements involontaires ne presserait plus, avant de se glacer, sa main de l’étreinte fraternelle qui ne lui avait pas suffi pendant qu’elle vivait, cette idée était plus pour lui que la mort même de Calixte ! C’était l’inconsolable regret d’avoir vécu ces derniers jours de sa vie loin d’elle et de n’avoir pas eu, de n’avoir pas dévoré ces malheureux derniers jours !

Il la pleurait déjà dans le passé comme il la pleurait dans l’avenir, et il rugissait de sanglots. Toute grande douleur a toujours commencé par démoraliser l’homme qu’elle frappe. Saisi par l’idée religieuse, Néel avait fini par accepter sans récrimination et sans reproche la conduite de l’abbé Méautis, qui le délivrait d’un mensonge. Mais, quand le danger fut devenu imminent pour Calixte, la nature humaine se retourna, et Néel sentit pousser et