Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

va ! dis bien tout ! Mais parle donc ! Oh ! je te locherai comme un arbre pour te faire parler ! Tu ne veux pas ? Es-tu têtue ? Tu n’es qu’une faillie. Tu blêmis. Tu as poue, caponne ! Il t’a donc maléficiée itou comme ce brin d’avoine folle de fils au Vicomte ?…

Eh mais ! que je suis assottie ! — reprit-elle après une pause en se ravisant, tu as p’t-être des raisons pour ne dire mot, la Malgaigne ? Qui sait et qui connaît le fin fond des bissacs du monde ?… Tu n’as pas eu toujours ta sagesse d’annuit[1]. Tu n’as pas toujours usé ta jupe sur les dalles des églises, té non p’us ! Je l’ai ouï bien des fois et aux douis et aux batteries de sarrasin, et partout, que tu avais fait bien des mystereries dans les temps avec Jean Gourgue, dit Sombreval, devant qu’il ne fût prêtre. Tu avais encore de la jeunesse, dans ces temps-là. Quand il n’était plus un garçonnet, g’li, tu n’étais pas encore si rafalée ! Les coudriers des bois de la Plaise ne sont pas si loin de Taillepied, et les jours qu’on ne va pas en journée, les après-midi sont si longues ! Nous autres femmes, nous gardons toujours une faiblesse pour l’homme qui nous fait connaître la vie… et il a p’t-être été pour toi c’ti-là, la Malgaigne ? Et pourqué pas ? Il

  1. D’aujourd’hui.