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— Ah ! qui ne serait trompé ? dit-il. Mais il n’y a que Dieu qu’on ne trompe point, et c’est Dieu qui m’a parlé, à moi ! Et c’est Dieu qui veut que je vous parle, à vous, fille de foi, qui n’avez jamais voulu que sa gloire !…

Alors, avec une impétuosité qu’elle ne lui avait jamais vue, à cet homme si doux, il lui raconta tout, et cette vision du crucifix saignant contre elle, cette vision dont elle n’avait pas eu conscience et qui avait été pour lui la première dénonciation du sacrilège ! — et les luttes poignantes, infinies, par lesquelles, depuis ce terrible moment-là, il avait passé, ces luttes entre sa conscience de prêtre averti et sa pitié d’homme et d’ami ! — et jusqu’aux incrédulités de la Malgaigne, qu’il avait d’abord méprisées, n’osant se fier à cette femme singulière dont pourtant il connaissait la foi, la foi effrayée, et qui accusait si obstinément Sombreval, malgré l’espèce d’amour maternel qu’elle lui portait !

Il n’omit rien. Il dit tout. Il dit que, s’il ne lui parlait plus à elle, Calixte, de son père, la raison de son silence était cela ! que si, comme les autres prêtres des paroisses voisines, dans leurs chaires, il ne glorifiait pas, dans la sienne, le retour à Dieu de Sombreval, c’est qu’il avait peur de faire tomber un mensonge du haut de la chaire de vérité ! Il dit comme, depuis qu’il