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maines contre les conséquences, irrésistiblement fatales, de son devoir spirituel accompli. C’est à l’Église, en face de Dieu présent dans le Saint-Sacrement de l’autel, qu’il aurait voulu faire sa foudroyante confidence à Calixte, car il savait quelle force pouvait tomber sur l’âme de la jeune fille, de ces murs consacrés par la présence du Dieu caché sous les mystiques espèces… Mais il savait aussi le mal de Calixte. Elle pouvait d’émotion retomber dans une de ces crises ; et, alors, que ferait-il, lui, aux approches de la nuit, dans une église solitaire, avec cette fille, comme il l’avait vue déjà, — devenue tout à coup un cadavre ?

Il résolut donc de la reconduire au Quesnay, et de ne lui parler que là… Du moins au Quesnay, si le mal devait la reprendre, tout était prêt contre son atteinte… Quand, après sa confession, elle eut fait son action de grâces :

— Je vous reconduirai, mademoiselle, — lui dit-il.

Elle ne lui objecta pas qu’elle avait avec elle le nègre Pépé, et qu’elle ne voulait pas lui donner cette peine. Elle accepta très naturellement… et ils s’en allèrent, descendant la butte Saint-Jean, l’un à côté de l’autre, — ignorante, elle, comme la victime du sacrifice qu’on y conduit, sans qu’elle le sache ; et lui, triste comme le sacrificateur qui va frapper.