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portait de ce ciel immobile, qui restait gris comme l’âme triste, lorsque les malheurs sont passés ; ce hurlement monotone du vent qui ressemblait à celui des chiens, quand ils pleurent, et quelquefois, vous le savez, ce hurlement des chiens, de ces bêtes de la fidélité, a la douceur et la tendresse aux abois du roucoulement des tourterelles… tout cela infligeait sa tristesse au cœur de Néel de Néhou.

Il marcha tout le jour et ne descendit pas de la selle. Il ne rencontra personne dans ces routes que les gens pressés prenaient encore l’été, mais où l’hiver ils ne se risquaient plus… Les seuls êtres vivants qui fussent en ces solitudes mornes, c’étaient quelques poulains à moitié sauvages qui s’abritaient contre le vent, sous les haies des prairies où ils pâturaient, et qui, le voyant et l’entendant par les trous de ces haies rompues, regagnaient l’intérieur de leurs pâturages au plus effaré de leurs galops, envoyant seulement de loin à Foudre ces hennissements tremblants et ricaneusement clairs qui sont un langage et auxquels le bel animal répondait par les siens, plus fiers et plus pleinement retentissants.

Quand le jour baissa, et ce fut de bonne heure, le vent ne cessa pas, mais il devint plus froid et plus rauque ; l’horizon, au couchant, se tacheta de jaune et de noir, comme un tigre…