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échos dans nos âmes. Une qui y tombe en peut réveiller cent ! Il n’avait personne à qui se jeter, quand Calixte ne voulait plus être Calixte, — la Calixte qui ne l’aimait pas, mais qui se laissait adorer ! et ne lui opposait pas, comme à présent, toujours, toujours cette Bernardine ! « Au moins, si tu vivais, Gustave, s’écriait-il, si je n’avais pas été la cause de ta mort, mon pauvre Gustave, tu me plaindrais, toi, je te parlerais d’elle ! Je me plaindrais d’elle à toi ! » car il avait soif de se plaindre d’elle ; il avait cet affreux besoin de se plaindre de la femme aimée, qui est encore une manière, la plus lâche manière de l’adorer !! Et dans cet isolement, et tout en se disant qu’il n’avait personne, il pensa tout à coup qu’il se trompait, qu’il avait Sombreval !… Sombreval, le père de Calixte ! qui voulait aussi être son père, à lui, et qui avait toujours été si bon pour son amour !… Et il se dit qu’il devait aller vers cet homme, et que cela lui ferait soulagement peut-être de verser son cœur plein d’amertume dans ce mâle cœur !

Il l’annonça un jour à Calixte.

— Avez-vous, lui dit-il, quelque chose à envoyer ou à mander à votre père ?… J’ai soif de le voir depuis quelques jours. Je ne retournerai pas à Néhou ce soir. En sortant d’ici, je pars pour Coutances.