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dine. Elle se reprocha de l’avoir oubliée, de n’en avoir pas assez parlé à Néel… Elle jura de se dévouer au bonheur de la malheureuse. Elle se promit de lui faire épouser ce fiancé, qui la tuait en l’abandonnant…

« Moi, je suis morte pour lui. Je suis mariée à Dieu, — se disait-elle. Lui, il l’a déjà aimée. Il l’épousera et il l’aimera encore… » C’est là ce qu’elle pensait tout en marchant et en causant de choses indifférentes, de la route et du temps, avec ce père qui la croyait la rivale heureuse de sa fille ! qui pouvait la croire son ennemie !

Bernardine, la tête basse, l’œil aiguisé par une haineuse jalousie et fixé aux cailloux du chemin, se taisait, et Calixte n’osait parler à Bernardine, devenue si farouche. Que n’aurait-elle pas donné pour lui dire ce qu’elle pensait et ce qu’elle voulait faire pour elle ? Mais les situations sont souvent plus fortes que nos meilleurs sentiments. La situation était alors plus forte que l’âme de Calixte.

Victimes du hasard de cette rencontre, ils en ressentaient tous les quatre l’écrasant embarras… Ils marchaient, les uns auprès des autres, dans cette campagne tranquille, se disant, avec des voix troublées, des choses polies et vulgaires, coupées par de petits silences, désirant tous voir surgir le Quesnay et l’endroit