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mademoiselle de Lieusaint, mais elle est par trop garçonnière. »

La garçonnière n’avait pas duré longtemps et il n’y avait eu de vrai que la moitié de l’oracle. Quand Bernardine fut grande tout à fait, le sexe, qui était venu avec ses instincts mystérieux et ses pudeurs, la fit renoncer à ce que monsieur de Lieusaint, dans son ancien langage de guerre, appelait, en riant, ses expéditions.

Elle laissa son père aller seul au bois de la Plaise et de Limore, et il ne fallut rien de moins que l’abandon de Néel, et la jalousie qui nous mange mieux sur place et qui se mit à la dévorer dans ce manoir de Lieusaint où l’infidèle ne venait plus, — et une altération si profonde de tout son être qu’elle effraya les médecins, lesquels prescrivirent des promenades au grand air, pour qu’elle reprît le genre de vie auquel elle avait renoncé. Monsieur de Lieusaint l’exigea, et elle obéit à son père. Pourquoi lui eût-elle résisté ?… Tout lui était égal. Elle disait comme Valentine de Milan : « Rien ne m’est plus. Plus ne m’est rien. »

En la rencontrant après un éloignement si long, Néel vit bien qu’elle était malade du même mal que lui, mais, dans son égoïsme atroce, l’amour qui souffre n’a pas plus de pitié pour qui souffre comme lui que les pesti-