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traverser cette petite lande qui de sa petitesse tirait son nom.

— Fier temps pour la chasse ! monsieur Néel, — dit-il en les saluant, — mais le goût n’y est plus, à ce qu’il paraît, pour le fils de votre père ! Sans ch’a queu massacre de perdrix et de bécassines vous auriez pu faire aujourd’hui ! Monsieur de Lieusaint, qui va toujours, maugré l’âge, ne se gourdit pas, lui, auprès des demoiselles, car il est en bas de la côte avec la sienne, et ils chassent depuis à matin que je les ai rencontrés avec ma querette ! Vère, elle chasse comme un homme, m’amzelle Bernardine ! C’est la deuxième fois que j’aurons veu dans le pays chasser une demoiselle, depuis feu la demoiselle de Gourbeville !

Et il donna un coup de fouet sur la croupe de ses bœufs et passa. Il s’enfonça dans un chemin creux, en descente, placé juste en face de celui d’où il sortait. Néel ne lui avait pas répondu, mais le fils de son père avait eu son petit coup de fouet comme les bœufs, et il avait rougi aux paroles de ce paysan qui, sous du respect, mettait du reproche et de l’ironie.

— C’est vrai, — dit-il, — je n’aime plus la chasse. Je ne souhaite plus la guerre. Je ne pense plus à tout ce qui fut l’amour de ma vie et mon rêve. Ah ! Calixte, l’amour de ma vie