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miner la vie, le masque sombre qu’on n’arrache pas quand on le veut, et dans lequel elle cadenasse les têtes les plus fières. Néel perdait sa beauté.

Calixte, au contraire, Calixte, heureuse, devenait plus belle ! Sa pâleur qui eût fait mal à voir, si la radieuse pureté de ses traits n’avait fait oublier qu’ils manquaient de la couleur de la vie, se teignait maintenant des reflets timides de l’opale rose. Son front de crucifiée dilaté par la joie se gonflait sous le bandeau rouge qui l’encadrait comme une couronne d’épines ensanglantées. On sentait, à travers le bandeau, la voûte élargie de ce front qui avait pris l’ampleur qu’il faut à une pensée heureuse, et à sa manière de le porter, on aurait dit qu’elle s’élançait du sommet de quelque Calvaire et que, d’Ange résigné passée Archange triomphant, elle montait d’un degré de plus dans l’éther de la vie et dans les hiérarchies du ciel.

— Ah ! pensait Néel un soir, après une de ces contemplations muettes auxquelles il avait condamné son fougueux amour désespéré, que dirait son père, s’il pouvait, en ce moment, la voir ! Comme il adorerait son mensonge ! Le remède qu’il cherchait pour la guérir, ce grand chimiste, peut-être l’a-t-il trouvé, simplement en la rendant heureuse. La vie lui vient : c’est