Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ses chapelles ; et quand il méditait dans la stalle, derrière son pupitre à l’entrée du chœur, sa méditation semblait plus noire qu’aucune qu’il eût jamais faite à cette place…

C’est qu’en effet, depuis qu’il était curé, jamais, non plus, charge d’âme ne lui avait paru si lourde à porter que celle qu’il se sentait sur la conscience, — cette charge de l’âme d’un aussi grand pécheur que Sombreval par-dessus laquelle Dieu avait encore mis, pour qu’elle pesât davantage, le poids de la vie d’une fille innocente ! Perdu dans des projets auxquels il renonçait au moment de les effectuer, et qui le laissaient impuissant devant ce bonheur fondé sur le mensonge et le sacrilège, et dont il n’avait pourtant pas le courage d’être le bourreau, il finit par avoir la pensée d’aller à Coutances se jeter aux pieds de Sombreval pour le détourner du dessein sataniquement magnanime que cet homme profond avait osé concevoir par amour pur de son enfant et qu’il était en train d’exécuter avec l’obstination d’un Lucifer ! Projet tout aussi vain que tous les autres !

Dans ces temps-là, les communications étaient difficiles. Coutances était trop loin par les grandes routes qui tournent comme de vastes spirales avant d’atteindre le point de leur destination, et la traverse, en ligne droite, était