Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette habituée de l’infortune, la pauvre fleur poussée d’hier ! Il connut alors, l’abbé Méautis, les difficultés de son entreprise. Elles se traduisirent pour lui en transes et en angoisses. Ses hésitations, qui d’abord avaient été des douleurs, devinrent des remords. Le temps passa. Les jours s’accumulèrent, et Dieu cependant n’exauçait pas son prêtre. Il ne lui accordait pas le don du miracle qui ouvre les yeux à l’aveugle, sans qu’il meure de ce foudroyant Ephéta, et ce fut pour cet homme, qui comptait presque sur Dieu, un malheur affreux qu’il souffrit du reste, comme il souffrait tout, sans se révolter. Le prit-il pour un abandon ?… Ce fils désolé d’une mère folle, si malheureux déjà comme fils, devait souffrir aussi comme père, car, il l’avait dit à Sombreval : il était le père de Calixte par la grâce et par la vertu d’un sacrement, plus fort dans une âme comme la sienne que quelque sentiment humain que ce fût ! Le Dieu qui (dit-on) mesure le vent aux agneaux tondus envoie parfois aux écorchés la bise cruelle. Selon la mélancolique expression populaire, l’abbé Méautis en eut bientôt plus qu’il n’en pouvait porter. Sa santé s’altéra en ses luttes entre sa conscience et son cœur. Il maigrit, et changea comme s’il eût porté en lui le principe d’une maladie. L’ivoire de son teint, doucement ambré, passa au ton mat de la cire