Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait trouvé, selon son usage, lisant son favori Montaigne, au coin de son feu, entre les feuilles de son petit paravent de laque, et qui avait décroché du mur son manteau bleu flore, à galon d’or sur le collet, contre la fraîcheur des soirées, et enfourché son petit cheval gris avec répugnance, car l’état de Calixte, névrose exceptionnelle et compliquée, déconcertait la science du docteur et embarrassait son scepticisme.

C’était un sceptique, en effet, que le docteur d’Ayre, mais un sceptique aimable. Il était fou de Montaigne, dont il avait fait son bréviaire et qu’il ne lisait pas pour des prunes, — disait le vicomte Éphrem, dont il soignait les gouttes sans les guérir, bien entendu ! Orné d’une vaste littérature médicale, il ressemblait à cet historien de nos jours qui s’est cru, au pouvoir, un grand politique, mais qui l’a cru tout seul. L’étendue de ses connaissances avait donné de l’indécision à son coup d’œil.

Le docteur d’Ayre avait l’avantage sur l’historien en question qu’il ne se croyait pas un grand médecin… Il n’avait (affirmait-il) que de l’expérience, et il disait que c’était tout et qu’une garde-malade intelligente, qui aurait vu autant de malades que lui, l’aurait valu. C’était peut-être vrai. Comme les médecins d’autrefois, il n’était que médecin et se serait