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reil jour, et elle croyait bien qu’après les vêpres l’abbé Méautis descendrait, tout en disant son bréviaire, les pentes de la butte qui conduisaient au Quesnay. Elle avait résolu de parler à l’abbé Méautis, comme elle avait parlé à Néel, qui n’avait pas voulu la croire ! Aussi, quand elle l’entendit fermer son église à la clef, se leva-t-elle et alla-t-elle au prêtre, qui tressaillit en se retournant, car il se croyait seul.

— Vous tressautez, monsieur le curé, fit-elle. Il y a donc quelque chose qui vous avertit que je suis un oiseau de mauvais augure ?…

— Qu’y a-t-il donc, la Malgaigne ? — dit l’abbé de sa voix douce, mais troublé déjà. Il était ému de l’air solennel de la vieille et de ses mains tremblantes qui n’avaient jamais ainsi tremblé sur son bâton d’épine, mais aussi déjà il était tout prêt à la résignation et à la pitié.

— Il y a, dit-elle, que la chaire de vérité a retenti, ce matin, d’un mensonge, monsieur le curé, et que c’est vous, vous la sainteté même, qui l’avez prononcé d’une bouche innocente. Sombreval, soi-disant parti pour Coutances, touché de la grâce et voulant reprendre sa prêtrise, est une fausse dierie, qui, d’à matin, gagne par tout le pays et qui aura fait, ce soir, combien de lieues ? Et cependant, c’est un abusement ! Sombreval vous a menti à tous ! à