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plus. Il prenait cette main de marbre froid, sur laquelle il ne posait même pas ses lèvres blessées, cette main qu’il aurait peut-être embrassée si Calixte avait eu sa connaissance, mais que, dans la délicatesse de son amour, il aurait cru profaner en la baisant alors qu’elle ne pouvait plus la lui refuser.

Quelquefois il priait pour que cette crise ne durât pas, mais il priait mal, car le Dieu de sa vie était sur ce lit, le Dieu qui lui avait pris l’âme, cette âme qu’il nous faut toute pour bien prier ! Il vint plusieurs fois dans la journée ; il vint aussi la nuit suivante. Dans ce singulier château, gardé par la terreur et la répulsion qu’inspirait Sombreval, la grande barrière de la cour restait toujours ouverte, et la porte vitrée du perron ne se barrait pas. Néel, qui connaissait les êtres de cette maison par lui si hantée, y pénétrait à toute heure sans le moindre obstacle. Il entrait, la nuit, d’un pied sûr, à tâtons, dans le vestibule et allait au salon, où il trouvait le même silence, la même immobilité et les mêmes attitudes qu’il y avait laissés quand il en était sorti. Il n’y avait que le jour de moins et une lueur de lampe de plus.

Alors il s’informait, disait quelques mots à ces deux noirs qu’on eût dits figés près de cette blanche jeune fille morte, — puis il recommençait de se pencher sur ce visage où il cherchait