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est grosse d’un rêve. Son rêve, c’était la vie intime, la vie du mariage avec elle. Et cette vie qu’évoquait à ses yeux de la voir ainsi, devant lui, son plateau à la main, dans ce divin service de l’amour et de la femme qui apporte à son époux, avec la flamme d’un vin généreux, le soulagement, le réconfort, la fortitude, lui effaça d’un seul trait tous les souvenirs et toutes les anxiétés de la journée !

Elle souriait et il buvait lentement, les yeux levés sur elle en lui rendant son sourire par les yeux, car il y a parfois dans les yeux plus de sourire que sur les lèvres.

— Merci, dit-il ; — et que cela est bon versé et apporté par vous ! Oh ! la vie, la vie intime avec vous, Calixte ! ajouta-t-il, quand il eut bu, reprenant tout haut le rêve qu’il avait commencé tout bas et le reprenant avec l’aspiration d’une prière… — En vous voyant, me servant ainsi, moi qui suis bien plus que votre serviteur, j’ai pensé à cette vie intime et… sainte aussi… du mariage… cette vie que vous m’avez refusée et que vous n’avez plus peut-être de raison pour me refuser, à présent que Dieu vous a exaucée. Vous ne voudrez peut-être pas m’être plus cruelle que ne vous l’aura été Dieu.

— Mais elle ne souriait déjà plus, et, se transfigurant rien qu’en baissant les yeux, —