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pire. — Laissez-moi encore vous soigner, cher dévoué à moi !

Et l’entourant de ses bras purs, elle l’assit avec une douce insistance, comme on assied un malade ou un convalescent, sur un petit canapé, à têtes de sphinx, qui se trouvait alors derrière lui, et Néel, heureux de cette familiarité amie, ne résistait pas à ces bras frais dont le contact, au lieu de le troubler, le pénétrait comme d’innocence.

Puis, quand il fut assis, elle alla à un petit buffet d’ébène aux angles de cuivre qui était entre les deux fenêtres, et, y prenant le flacon de tokay dont l’existence, chez Sombreval, avait été une question pour le vicomte Éphrem et pour son compère Bernard de Lieusaint, elle en remplit un verre élancé, à patte de cigogne. Ah ! ce sera toujours un détail poétique et charmant qu’une femme qui met la grâce de ses mains à verser à boire à un homme ! Cette poésie, Calixte l’eut pour Néel. Elle alla à lui, comme à son maître, lui apportant dans ses mains, blanches comme la chair des magnolias, ce verre plein de tokay qui brillait, calice de topaze, au-dessus du plateau de cristal ciselé, où l’oblique lumière de la lampe, dans le clair-obscur de la chambre, faisait trembler des arcs-en-ciel !

Lui, la regardait rêveur, car toute poésie