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reux d’avoir son signe au front comme Calixte, mais lui, comme Calixte, il ne le cachait pas.

Il lui disait avec la coquetterie passionnée d’un cœur insatiable : « Vous ne pourrez jamais me regarder sans penser que j’ai voulu mourir pour être aimé de vous, et vous ne pourrez même pas me voir venir de loin vers vous sans avoir cette pensée, » car il boitait maintenant, le beau et fringant Néel ! Le médecin avait formellement déclaré qu’il resterait boiteux toute sa vie.

Avec cette beauté délicate, cette beauté de cristal que sa chute n’avait pas brisée, et cette claudication légère qui attendrissait sa démarche, il avait l’air « de cet Ange qui s’est heurté contre une étoile, » dont Byron parlait un jour en parlant d’un boiteux comme lui. Néel avait quitté le Quesnay et il était revenu à Néhou, où il avait retrouvé son père, très heureux de l’y revoir, ce fils unique, mais aussi très fidèle à son idée et aux engagements pris avec son compère Bernard de Lieusaint.

— Chevalier, — lui avait-il dit, un soir, au dessert d’un de leurs repas, tête à tête, — tu te tiens maintenant assez bien debout pour y rester le temps de passer un anneau à la main d’une femme, sous la perche du Crucifix.

Néel, qui avait résolu d’opposer la force d’inertie à son père, répondit par une plaisan-