Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/333

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je n’ai voulu entendre à rien ni à personne. J’avais mon idée, et il la savait !

— Quelle idée ? — dit Bernard de Lieusaint qui s’était tu jusque-là et que l’intérêt saisissait aussi à la parole de cette femme, simple et mystérieuse, qui ne parlait jamais impunément deux minutes, quels que fussent le rang ou l’esprit de ses auditeurs.

Ceci doit rester entre nous deux, fit-elle. Seulement ne dit-on pas, monsieur de Lieusaint, que ceux qui boivent à la même terrine s’exposent à trouver au fond la même couleuvre ?… Si ce n’était pas la place à Jean Gourgue, autrefois l’abbé Sombreval, que l’ancien château du Quesnay, troqué par la misère de ses maîtres contre de l’argent qui sue le sacrilège, la magie et l’impureté, ce n’était pas celle non plus de la vieille Malgaigne, la fileuse à la journée.

Aussi je le laissai seul dresser son front endurci sous ces solives qui se rompront peut-être un jour pour l’écraser ! Je ne remontai plus le perron que j’avais tant monté et descendu du temps des anciens maîtres, et ma main ne se posa pas une seule fois sur la grille de la cour ou sur la grande porte de la ferme, qui est à côté, si ce n’est pour y effacer l’injure à la craie que j’y trouvais le matin, en allant faire ma journée, et qu’en passant j’y essuyais !