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jours. Comme toutes les femmes qui aiment à s’enterrer vives de leurs propres mains, elle ne parla de sa résolution à personne. Seulement, le jour que Bernard de Lieusaint et le vicomte Éphrem retournèrent voir leur blessé au Quesnay, elle voulut encore aller avec eux.

Elle y vint donc, grave, calme, et déjà pâle, avec une tache de pêche meurtrie aux joues. Ce n’était plus cette Bernardine qu’on aurait dû appeler Ambroisine bien plutôt, si l’on avait pu deviner l’espèce d’ambroisie qu’il y aurait un jour dans sa beauté savoureuse ! Elle y fut douce avec Calixte dont elle prit mélancoliquement la main qu’elle garda longtemps dans les siennes.

Néel s’étonnait et s’émerveillait de cette douceur dont il imputait le miracle à la puissance irrésistible de la bien-aimée. Mais, quand l’égoïste amoureux voulut, pour lui marquer sa reconnaissance, lui serrer la main, à la fin de sa visite, mademoiselle de Lieusaint la retira sans rudesse, et en la retirant elle laissa sur le lit la petite boîte en galuchat si connue de Néel et qui renfermait les topazes sibériennes et l’opale arlequine de la belle Polonaise.

— Ah ! dit-il, heureux et délivré du lien qu’elle venait de dénouer plutôt que de rompre, Bernardine ne veut plus des bijoux de ma