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Les chevaux sont comme les hommes. Tout dépend de la manière de s’y prendre et des commencements. Ils sentent fièrement bien avec qui qu’ils sont ! Ils sont invectifs[1]. Hennissent-ils ! Hennissent-ils ! reprit-il, ne les voyant plus mais les entendant jeter dans les airs, par-dessus les haies, des hennissements furieux et répétés !

— Ils vont s’affoler, s’ils hennissent ainsi longtemps, — fit-il soucieux, — mais le souci ne resta pas longtemps sur la vieille figure. « Bah ! reprit-il, si, comme ils disent, il y a un bon Dieu pour les ivrognes, pourquoi qu’il n’y en aurait pas un itou pour les amoureux ?… »

Le but de Néel n’était pas Lieusaint ; ce n’était pas le Quesnay non plus, du moins pour l’instant : il était de trop bonne heure. Les persiennes fermées y dormaient par-dessus les stores et les rideaux, quand il descendit le mont Saint-Jean, d’un trot qui devenait de plus en plus rapide, car les deux chevaux s’animaient, l’un par l’autre, par le grand air, par le bruit des roues sur les pierres, et par leurs propres hennissements, répercutés de tous côtés par les échos.

Comme il dévalait de la butte qu’il avait tant de fois montée avec elle, il envoya de sa main

  1. Méchants à force d’ardeur.