Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/28

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

déshonoré, ces ignobles chiens, qui avaient au museau du sang de cette belle fortune, dont ils voulaient tout boire, hurlèrent pour qu’on leur en donnât la dernière gorge-chaude et procédèrent à une expropriation qui devait être l’acte final de leur curée.

Retardée autant qu’il fut possible, la vente fut affichée à la fin. Mais un sentiment de répugnance, qui tenait peut-être à une délicatesse de caste, quoique l’esprit de caste fût déjà en poussière, dès ce temps-là, comme tant d’autres liens sociaux, empêcha les gentilshommes de paraître à cette vente aux bougies — espèce de vente dont les formalités sont parfois la grande et sombre image de la ruine qu’elle vient constater.

Les loups ne se mangent pas entre eux, dit un proverbe ; mais le proverbe ne dit vrai que quand les loups sont sur leurs pattes, tandis que, même la faim au ventre, les lions ne touchent pas, de leurs nobles ongles, à un autre lion abattu. Telle, une dernière fois, se montra cette noblesse… En dehors d’elle, personne, non plus, parmi les gros bourgeois de B… et de S…, ne se présenta à la vente de la terre et du château du Quesnay, et on le comprend.

Tous ou presque tous avaient dans l’idée que l’homme qui ne serait pas noble et qui serait assez riche pour acheter la terre et le châ-