Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/269

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étrange, souffrant dans son enfant qui mourait et qu’il voulait sauver ! À toutes les impiétés qu’il venait d’entendre, Néel savait la réponse à faire, mais il ne la faisait pas. Il n’osait pas dire à ce grand aveugle, à qui l’orgueil et ses éclairs avaient brûlé les yeux, que la vie est, au fond, terriblement bien faite, et que, quand les plus forts ont cru couper les ongles au lion de Juda, ils repoussent, ces ongles, plus longs de moitié, dans leurs flancs !

Il avait pitié de cette douleur de père, soudée dans sa propre douleur d’amant.

— J’ai lu un jour dans une histoire, — reprit Sombreval après une pause, — que Cromwell arrivé au pouvoir suprême, heureux par sa famille comme il l’était par l’état de force et d’honneur où il avait mis l’Angleterre, trouva chez lui, — dans son logis, — la douleur qui n’en faisait qu’un homme, et que cette douleur lui venait aussi d’une enfant.

La dernière de ses filles, son amour à lui, sa Calixte, avait horreur du pouvoir de son père, et s’était prise, tête romanesque, d’un violent amour pour les Stuarts. Triste partout, jusque dans les bras paternels, elle y portait la honte, le remords, l’accablement de la puissance du vieux Cromwell. Elle mourait de l’idée fixe du retour des Stuarts ! Lorsqu’il caressait cette tête bien-aimée : « Père,