Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui dire la résolution qu’il avait formée dans ses longs jours passés à errer autour du Quesnay et qu’il avait renfermée à triples verrous dans son cœur.

— Jamais, avait-il pensé bien des fois, je ne causerai de peine à mon père, mais, s’il doit mourir avant moi…

Ce soir-là, il se tut encore — laissa passer sur sa tête un ouragan qui fit plus de bruit que de mal, et le lendemain, sous l’influence alarmée des paroles de son père et d’une défense qui allait couper son bonheur par le pied, s’il obéissait, il alla se jeter à Calixte ! Qu’on juge donc de ses sentiments, quand il apprit qu’il aimait seul, — que seul il était bouleversé, — et que jamais, — ni avant ni après la mort du vicomte Éphrem, Calixte ne serait à lui, — et par cette raison souveraine, — c’est qu’elle ne s’appartenait plus !

En sortant du Quesnay, en proie à une véritable fièvre d’amour et de désespoir, il n’osa pas retourner à Néhou où il devait retrouver l’irritation paternelle, et il se dirigea vers Taillepied, chez cette Malgaigne qui lui avait prédit que son amour pour Calixte Sombreval serait son malheur et sa perte, mais qui, de toutes les infortunes et pis que la mort même, ne lui avait pas prédit la plus grande, — le malheur de n’être pas aimé !