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coucher du soleil. Ils n’étaient pas seuls… Ils avaient avec eux un autre voyageur qu’ils avaient rejoint tout contre l’étang du Quesnay. C’était un porte-balle de Périers, nommé Séraphin Le Foinillard[1], qui avait vendu toute sa marchandise aux foires d’alentour et venait de se débarrasser de son dernier cent d’aiguilles anglaises à la ferme du Quesnay, chez le père aux Herpin d’à présent. Les Herpin ont dit qu’il était à peu près l’heure où nous sommes lorsque les habits blancs, qui se voyaient de loin, entrèrent dans la lande avec leur nouveau compagnon. Mais ce qui s’y passa, nul ne le vit que Celui qui voit tout, mais qui ne parlera qu’au dernier jour.

Au matin seulement du lendemain, les filles qui allaient traire trouvèrent ici, à cette même place, le corps du porte-balle meurtri et matrassé[2], la tête ouverte sur la peau de vache de sa balle vide et les poches de son habit retournées. Or, dans ce temps-là, c’était le règne du grand bailli Ango, dont la main de justice atteignait partout. Il eut bientôt ordonné une battue dans la contrée pour rattraper les habits blancs, car, en relevant le cadavre de l’assassiné, on avait retiré de sa main cris-

  1. Le Rôdeur.
  2. Assommé.