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velle avec une idée qui le torturait. Il se retrempait dans une eau vive… Il remplaçait un sentiment par un autre. Dieu, qui lui avait pris une amitié, lui rendait un autre sentiment. Et si cet amour, assez fort déjà pour qu’il le crût invincible, devait lui coûter quelques souffrances : « Eh bien, se disait-il, pour la mort de Gustave, n’ai-je donc pas mérité de souffrir ? » Motif admirable d’une âme généreuse, mais ignorante, car, si coupables que nous puissions être, nous n’avons jamais mérité ce qu’une passion vraie nous cause de douleurs !

Quand les paroles du fils Herpin apprirent à Néel la profondeur de son sentiment pour Calixte, c’était un samedi, et le dimanche qui tombait le lendemain était une grande fête. L’obstiné rôdeur des environs du Quesnay fut obligé de conduire son père à la grand’messe de la paroisse. Élevé chrétiennement, Néel ne manquait jamais à remplir ses devoirs extérieurs de chrétien : mais le bonhomme Éphrem, goutteux et couvert de blessures, ne venait à l’église de Néhou qu’aux grands jours… Il y venait alors appuyé sur le bras de son fils, beau comme le jour, le portrait vivant de sa mère et qu’il aimait d’un amour paternel, orgueilleux et immense. Il avait pour Néel ce sentiment qu’ont tous les hommes pour leurs enfants ; mais, de plus, il avait l’amour qu’a-