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de ses steppes, il alla sans frein du côté de son désir et poussa toujours.

Parfaitement maître de ses heures, fils d’un père qui ne sortait presque plus de la tourelle de son manoir et qui lui laissait toute sa liberté, il crut pouvoir arranger sa vie de manière à revoir parfois, dans ces campagnes où elle allait vivre, la fille de cet homme chez lequel la convenance, la religion, la fierté, tout enfin, jusqu’à l’insolente volonté de cet homme d’opprobre, lui défendait de mettre le pied. Il le crut… mais ce problème d’une solution qui lui paraissait si facile rencontra bientôt plus d’un obstacle sur lequel il n’avait pas compté.

Il était chasseur. Il avait la patience de l’affût. Comme tous les hommes, même les plus bouillants, qui sont organisés pour la guerre, il avait la force de l’attente immobile, la puissance de comprimer les battements et les élans d’un cœur persévérant et d’une volonté infatigable.

Il vint donc presque tous les jours s’embusquer dans les environs du château, tantôt plus près, mais toujours dans l’étroit rayon qu’une femme qui habite la campagne et qui s’y promène ne peut guère, si elle est prudente, dépasser. Sous prétexte de course ou de chasse, il quittait Néhou de bon matin et n’y rentrait guère que le soir.