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mais passe et prie Dieu pour leurs âmes ».

L’église de Saint-Julien-en Grève est devenue l’église abandonnée de Saint-Julien-le-Pauvre et ceux qui y passent, n’y prient plus devant l’épitaphe effacée. Mais où il faut passer pour prier pour eux, — si on prie, — c’est dans ce château où ils sont certainement plus que dans leur tombe. J’y suis passé cette année, par un automne en larmes, et je n’ai jamais vu ni senti pareille mélancolie. Le château, dont alors on réparait les ruines, que j’aurais laissées, moi, dans leur poésie de ruines, car on ne badigeonne pas la mort, souvent plus belle que la vie, ce château a les pieds dans un lac verdâtre que le vent du soir plissait à mille plis… C’était l’heure du crépuscule. Deux cygnes nageaient sur ce lac où il n’y avait qu’eux, non pas à distance l’un de l’autre, mais