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tu ne le peux pas ! Si ta vie est brisée, qui me brisa le cœur ou tu vivais ? Dis-moi, dis moi qui l'a voulu si je t'ai délaissée ? tes pleurs amers et vains n'accuseraient que toi ! les femmes sont ainsi ! Que je t'eusse trahie, tu reviendrais m'offrir à genoux mon pardon. si tu m'aimais, pourquoi cette triste folie d'implorer de l'amour la fuite et l'abandon ? mon orgueil t'obéit sans risquer un murmure : à ce monde sans cœur je cache mes regrets. sous un dédain léger je voile ma torture, et si bien, — que toi-même aussi t'y tromperais. et tu m'aimas pourtant ! Amour triste et rapide ! ne paraissait-il pas le plus profond des deux ? sans moi de quel bonheur étais-tu donc avide puisqu'avec moi jamais tu n'avais l'air heureux ? mais à présent, sans moi, plus heureuse, j'espère, si tu penses parfois à celui qui t'aimait, ne te repens-tu pas d'avoir fait un mystère du mal que tu souffrais et qui t'inquiétait ? et si tu t'en repens, cache-le dans ton âme ! tout n'est-il pas, hélas ! Entre nous consommé ? ô toi, qui n'eus jamais l'abandon d'une femme, reste ce que tu fus, — ô blond sphinx trop aimé !