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son âme. Il y a fort peu de femmes qui soient coquettes ainsi.

Malgré les manèges, les petites ruses, les thèses sur l'amour, et toute la gâterie dont elle a été l'objet, elle rentre très souvent en conversation dans un naturel sévère, hardi, élevé, résolu, souvent gai, toujours de bon sens qui lui fait le plus grand honneur à mes yeux. — si elle avait toujours ce ton-là, elle serait supérieure autant qu'une femme puisse l'être. Quand cela lui arrive de le prendre, sa physionomie contracte une expression attentive et perçante qui vaut mieux que toutes ses chatteries de sourire et d'yeux à moitié fermés. Elle devient d'une beauté sérieuse dont elle ne se doute probablement pas et qui l'emporte sur toutes les morbidezzes de physionomie que nous recherchons dans les femmes.

Le monde de province dans ses grossiers et ineptes scrupules en avait parlé comme d'une catin

(du moins est-ce le premier bruit qui m'atteignit d'elle avant que je la connusse personnellement) et le mot est aussi stupide qu'injuste. Il n'y a pas de femme qui soit plus loin de ce qu'on appelle le catinisme. — ce qui l'a perdue en province, c'est la réputation d'avoir eu une passion,

— c'est la

curiosité, l'audace d'esprit, et des relations de femmes qui ne la valaient pas. — l'ennui, — un ennui terrible, — des caprices d'imagination,