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commencement est si lyriquement beau, si entraînant, malgré l'infamie du sujet, n'est qu'une imitation pâle mais servile, — osée, impudemment mais manquée, aussi, — d'une superbe ode attribuée à L'Arétin. Cette Italie est bien vraiment le pays des peintres ! Ses écrivains n'ont pas de plumes, mais des pinceaux. Quelle manière de tout noyer dans la couleur, de tout purifier par la forme, même ce qu'il y a de plus matériellement physique, de relever l'idée par je ne sais quelle splendeur dont la source n'est ouverte qu'à eux .

Piron a volé les idées, et en les touchant, il les a montrées telles qu'elles sont. — à part la marche entraînante du rythme, manié de verve et qui fait une victorieuse violence au dégoût, l'ode de Piron laisse froid. Celle d'Arétin est une nudité aussi grande, aussi luxurieuse, l'imagination l'admire parce que c'est beau avant d'être sale, parce que la perfection est une chasteté si grande qu'elle cache toutes les souillures, et les sens ne sont pas même remués par cette admiration enthousiaste.

Figurez-vous la bacchante la plus insensée dans le dévergondage des poses les plus lubriques, folle de vin et de cantharides, mais sur le corps de qui, trahi de partout avec l'impudence du marbre et la chaleur de la vie, est drapé un vêtement lumineux, une tunique miraculeuse dont les plis ne savent rien cacher, mais divinisent. C'est Titien peignant