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jusqu'au dîner. — ainsi ces messieurs ont dévoré le temps que je destinais au travail.

Dîné, — trop mangé ; aussi de la stupeur après et la noire tristesse qu'engendre un besoin assouvi quand on ne se livre pas au mouvement, à l'exercice qui fait tout oublier, — ou pour mieux parler, qui suspend toute douleur même morale, même la plus élevée de toutes.

Je me rappelle qu'étant à Caen en 1831-1832 et 33 (époque de ma vie sinon la plus malheureuse, au moins la plus tempestueusement agitée) et quittant d'effroyables scènes (effroyables pour moi surtout qui en étais encore à l'apprentissage des passions), quittant donc... tantôt dans une immense colère, tantôt dans un immense abattement, toujours dans une cruelle angoisse, j'éprouvais du soulagement, oui ! Même du soulagement intérieur, à marcher à travers ces plaines où l'air joue en liberté et dont le souvenir est resté si vivant pour moi. — oh ! Quand on quitte ce qu'on aime le plus, il ne faut pas monter en voiture. Marcher distrait, on pense moins. Je me suis toujours défié des femmes promeneuses,

— des

anglaises par exemple, froide race s'il en fut, ce qui ne les empêche pas d'être excessivement corrompues.

Au contraire : raison de plus.

Découvert, en lisant un livre italien fort curieux que m'a prêté B, que l' ode à Priape de Piron dont le