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Et le désir, martyre à la fois et délice,
Me couvrait de ses longs frissons interrompus ;
Et j’éprouvais alors cet étrange supplice
De l’homme qui peut tout… et pourtant n’en peut plus !
À tenir sur mes bras sa cuisse rebondie,
Ma tête s’en allait, ― tournoyait, ― j’étais fou !
Et j’osai lui planter un baiser… d’incendie
Sur la rondeur de son genou !

Et ce baiser la fit crier comme une flamme,
Qui l’eût mordue au cœur, au sein, au flanc, partout !
Et ce baiser tombé sur un genou de femme
Par la robe voilé, puis ce cri… ce fut tout !
Ce fut tout ce jour-là. ― Rigide sur sa selle,
Elle avait pris mon front et l’avait écarté
De ses tranquilles mains, ce front, ce front plein d’elle,
Rebelle qu’elle avait dompté !

Et ce fut tout depuis, ― et toujours. Notre vie
S’en alla bifurquant par des chemins divers.
Peut-être elle oublia cet instant de folie,
Où de la voir ainsi mit mon âme à l’envers !