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D’un seul bond !… avec la rapidité du rêve,
Et ceignant ses jarrets de mes bras éperdus,
Je lui dis, enivré du fardeau que j’enlève :
« Pourquoi ne pesez-vous pas plus ? »

Car on n’a jamais trop de la femme qu’on aime
Sur le cœur, ― dans les bras, ― partout, ― et l’on voudrait
Souvent mourir pâmé… pâmé sous le poids même
De ce corps, dense et chaud, qui nous écraserait !
Je la tenais toujours sous ses jarrets ; ― la selle
Avait reçu ce poids qui m’en rendait jaloux,
Et je la regardais dans mon ivresse d’elle,
Ma bouche effleurant ses genoux ;

Ma bouche qui séchait de désir, folle, avide…
Mais Elle, indifférente en sa tranquillité,
Tendait rêveusement les rênes de la bride,
Callipyge superbe, assise de côté ! ―
Tombant sur moi de haut, en renversant leur flamme,
Ses yeux noirs, très couverts par ses cils noirs baissés,
Me brûlaient jusqu’au sang, jusqu’aux os, jusqu’à l’âme,
Sans que je leur criasse : « Assez ! »