Page:Barbey d’Aurevilly - Poussières.djvu/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Et c’était un : « Je veux ! » que ce : « Je vous en prie !
« Allons voir le cheval que vous dressez pour moi… »
Elle entra hardiment dans la haute écurie,
Et moi, je l’y suivis troublé d’un vague effroi…
Nous étions seuls ; l’endroit était grand et plein d’ombre,
Et le cheval sellé comme pour un départ,
Ardent au râtelier, piaffait dans la pénombre…
― Mes deux lèvres dans mon regard

Se collaient à son corps, ― son corps, ma frénésie !
Arrêté devant moi, cambré, voluptueux,
Qui ne se doutait pas que j’épuisais ma vie
Sur ses contours, étreints et mangés par mes yeux !
Elle avait du matin sa robe, blanche et verte,
Et sa tête était nue et ses forts cheveux noirs
Tordus, tassés, lissés, sans une boucle ouverte,
Avaient des lueurs de miroirs !

Elle se retourna : « Mon cousin », me dit-elle
Simplement, ― de ce ton qui nous fait tant de mal !
« Vous n’êtes pas assez fort pour me mettre en selle ?… »
Je ne répondis point, ― mais la mis à cheval