Page:Barbey d’Aurevilly - Poussières.djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et comme tant de fois, dans vos soirs de conquête,
Vous l’ont dit vos amants, en des transports perdus,
Et que, dans votre ennui vous détourniez la tête,
Ô Dieu ! n’y pensant déjà plus !…

Ah ! non, tu n’es pas tout, Beauté, ― même pour celle
Qui se mirait avec le plus d’orgueil en toi,
Et qui ne cachant pas sa fierté d’être belle
Plongeait les plus grands cœurs dans l’amour et l’effroi !
Ah ! non, tu n’es pas tout !… C’est affreux ; mais pardonne ;
Si l’homme eût pu choisir, il n’eût rien pris après ;
Car il a cru longtemps au bonheur que tu donne,
Beauté ! que tu lui suffirais !

Mais l’homme s’est trompé, je t’en atteste, Armance !
Qui t’enivrais de toi comme eût fait un amant,
Puisant à pleines mains dans ta propre existence
Comme un homme qui boit l’eau d’un fleuve en plongeant.
Pour me convaincre, hélas ! montre-toi tout entière.
Dis-moi ce que tu sais… l’amère vérité.
Ce n’est pas un manteau qui cache ta misère,
C’est la splendeur de la Beauté !