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Et quand ce jour-là vient, tout est fini pour l’âme ;
Tous les regrets sont vains, tous les pleurs superflus !
L’amant n’est plus qu’un homme et l’amante une femme,
Et ceux qui s’aimaient tant, hélas ! ne s’aiment plus !
Une clarté jaillit, une clarté cruelle
Qui montre les débris du cœur brisé, vaincu ;
« Ce n’est plus toi ! » dit-il. ― « Ce n’est plus toi ! » dit-elle.
Le masque tombe, et l’on s’est vu.

Ô ma pauvre Clary, ma fidèle maîtresse,
Nous verrons-nous un jour ainsi (destin jaloux !),
Sans ce masque divin que nous met la jeunesse,
Masque d’illusions, cent fois plus beau que nous ?
Verrons-nous, ma Clary, ― grand Dieu ! faut-il le croire ? ―
Le noir Empoisonneur entre nous quelque jour,
Tout prêt à nous verser, à nous tout prêts à boire,
L’effroyable ennui de l’amour ?

Hélas ! c’est déjà fait… j’ai bu du froid breuvage
Que l’Échanson de mort verse, ― et qu’il faut tarir ;
Et j’ai senti, Clary, chaque jour davantage,
Que je l’épuiserais sans pouvoir en mourir !