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dont l’un fera du drame et l’autre du roman seront forcément inégaux, puisque l’un de ces hommes (le romancier) sera tenu, pour être dans son ordre ce que le dramaturge est dans le sien, à avoir des facultés de plus. Or, ces facultés de plus nécessaires au romancier, l’auteur de la Comédie humaine les avait au même degré qu’il avait celles qu’il partageait avec Shakespeare. — Et ce n’est pas là tout encore ! Voici par quoi je veux finir ce parallèle entre Shakespeare et Balzac qu’on pourrait creuser davantage, et je crois ceci décisif :

V

Il y a dans tout écrivain, à quelque genre qu’il appartienne, un côté par lequel on peut toujours prendre la juste mesure de sa hauteur. Ce côté, ce sont les idées générales, qui, si l’homme est seulement supérieur, et quelle que soit l’œuvre qu’il fasse, se mêlent à ce qu’il fait et superposent le penseur, qui aperçoit, à l’artiste, qui brasse des passions, des sentiments ou des couleurs. Shakespeare, quoique son œuvre soit toute en dialogues, sème, en homme de génie qu’il est, les conversations de ses personnages d’une foule