Page:Barbey d’Aurevilly - Portraits politiques et littéraires, 1898.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans une unité de composition, mais il l’éparpillail en œuvres isolées.

Artiste suprême. — qui pourrait le contester ? — Shakespeare, en produisant ses drames sans une vue plus haute que chacun d’eux, m’apparaît comme un sculpteur ou comme un peintre : le premier des peintres et des sculpteurs, si vous voulez ! Mais Balzac, avec l’unité multiple et la prodigieuse ornementation de sa Comédie humaine, me fait l’effet d’un architecte qui, comme Michel-Ange, serait à la fois peintre et sculpteur, et ferait e’quation avec l’idée même de l’architecture, qui implique la notion des deux autres arts. Et encore, quand j’ai dit : un architecte, ai-je assez dit ?… Est-ce qu’il y a un monument extérieur d’une assez étonnante plasticité, d’une forme assez variée et assez vaste, pour équivaloir à un monument intellectuel comprenant toute l’âme humaine et qui l’exprime avec des mots, plus forts, pour tout rendre du fond de cette âme, que le marbre inflexible ou la couleur inanimée, même quand le génie taille l’un et fait flamber l’autre, sur les murs de ses Alhambras ?

IV

Du reste, cette unité de composition qui donne à Balzac, à égalité d’imagination avec Shakespeare, un