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n’a plus d’énergie, elle est bien reconnaissante, allez, de voir qu’on en a plus qu’elle !


II

C’est cette reconnaissance que je constate seulement ici, qui n’a pas manqué à M. Jules Sandeau et qu’il a méritée. Il a toujours dosé homœopathiquement les émotions qu’il nous a données, et cela sans calcul, sans parti pris d’art, mais naturellement, M. Sandeau étant, de talent et pour les quantités, spontanément homœopathe. Son talent est réel, assurément, mais dans des proportions étroites. Ce talent a toujours ce degré de tempéré et de tempérance qui l’empêche d’être un danger pour personne, et surtout pour celui qui l’a, car le talent est dangereux, et l’on en devrait dégoûter les enfants, si l’éducation était mieux faite. La moralité de M. Jules Sandeau, dont on parle beaucoup, et à laquelle les œuvres immorales des romanciers contemporains ont fait un repoussoir superbe, sa moralité n’a pas plus de caractère et de vigueur que son talent. C’est la moralité d’un sceptique bien élevé, qui prend les idées reçues et les sentiments naturels, et qui s’en sert dans l’intérêt de ses petites combinaisons romanesques. Mais, franchement, ce n’est rien de plus. M. Sandeau appartient à cette moralité bourgeoise qui n’a pas de croyance solide et profonde, mais qui ne veut pas qu’on lui vole ses chemises ou qu’on les lui chiffonne, et qui, comme Voltaire, trouve que, si Dieu n’existait pas, il faudrait l’