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Cette société, en effet, qui recherchait hier encore les luxuriances et les débauches des esprits outrés et malades, doit trouver le genre de talent de Stendhal trop simple, trop décharné, trop dur pour elle, car, même quand il se crispe et s’affecte, ce n’est jamais de cette affectation moderne qui juche à vide sur de grands mots. Depuis que cette Correspondance est publiée, beaucoup d’esprits ont travaillé à la gloire de Stendhal. Dans une notice pénétrante et concise, M. P. Mérimée a gravé l’épitaphe de l’auteur de Rouge et Noir avec le couteau de Carmen. Mais, lorsque la creuse vague humaine aura cessé de jeter le peu de bruit et d’écume qu’elle jette toujours sur l’écueil d’une tombe, quand un homme vient tout récemment d’y descendre, la gloire de Stendhal ne sera guère saluée dans l’avenir que par les esprits plus ou moins analogues au sien par la force. L’énergie seule aime l’énergie. Lorsque Stendhal mourut, il allait peut-être nous donner quelque grand roman sur l’Italie du XVIe siècle, dont il s’était violemment épris. Ainsi que l’atteste la Correspondance, l’imagination de cette amoureux de la Passion et de la Force remontait vers la Féodalité expirante, pour y chercher des types, des émotions et des effets, et se détournait avec mépris de cette société, à âme de soixante-dix ans, dont il avait écrit encore cette autre phrase : « A Paris, quand l’amour se jette par la fenêtre, c’est toujours d’un cinquième étage », pour en marquer la décrépitude ; car la vieillesse, comme l’Immoralité, comme l’Athéisme, comme les Révolutions, descend dans les peuples au lieu d’y monter, et c’est ordinairement par