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intellectuel qu’il nous donne, nous n’en avons pas été abruti au point de ne pas voir tous les défauts et toutes les misères d’un écrivain qui en eut, pour sa part, autant que personne, si ce n’est peut-être davantage. Quand un homme, en effet, arrivé à peu près à la moitié du XIXe siècle, jure par Cabanis en philosophie, en législation par Destutt de Tracy, et par Bentham en économie sociale ; quand cet homme, de l’esprit le plus mystificateur, semble se mystifier lui-même, en admirant politiquement M. de La Fayette, et ne se moque nullement de nous en nous disant que l’Amérique serait assurément un grand pays, si elle avait un Opéra, certes, on peut affirmer que les pauvretés d’opinion et les superficialités d’aperçu ne manquent pas à cet homme, de l’esprit le plus retors depuis Voltaire, et qui a vu Napoléon ! Lorsque, d’un autre côté, cet observateur, digne d’être impersonnel, déclassé par les hasards de la naissance et de la vie, mais naturellement aristocrate, comme on doit l’être quand, intellectuellement, on est né duc, revêt par vanité, — ce sentiment qu’il raille sans cesse, — les plates passions du bourgeois révolutionnaire, c’est-à-dire de l’espèce d’animal qu’il devait détester le plus, et s’ingénie à nous rapetisser lord Byron, parce que lord Byron était un aristocrate, il nous offre, il faut en convenir, à ses dépens, un triste spectacle. Et ce n’est pas tout ! Diminué par la vanité dans son intelligence, il est souvent aussi diminué par elle comme écrivain. Elle lui a donné des manières, des affectations, des grimaces d’originalité, désagréables aux âmes qui ont la chasteté du Vrai… Sans doute, il est fort difficile de bien déterminer ce que c’est que le