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mantille, un seul œil noir, pénétrant, affilé, d’un rayon visuel qui, pour aller à fond, valait bien tous les stylets de l’Italie, mais qui avait, croyez-le bien, la prétention d’être vu et même d’être trouvé beau. Ainsi que tous les tartuffes qui possèdent l’esprit de leur vice, et la majorité des hommes doublés d’une idée qu’ils ne disent pas, mais qui chatoie dans leur silence, comme le jais brille malgré sa noirceur, Stendhal inspire un intérêt dont on ne saurait se défendre. Ne sommes-nous pas tous des besogneux de vérité, en plus ou en moins ?… Il a l’attrait du mystère et du mensonge, l’attrait d’un grand esprit masqué, ce qui est bien plus qu’une belle femme masquée ! La fortune de la Correspondance, c’est qu’on s’imagina voir son visage. On s’imagina que, dans cette vie journalière, facile, dénouée, dont cette Correspondance est l’histoire, il avait mis son masque sur la table et dit bravement à ses amis, pendant que le monde avait le dos tourné : « Tenez, Maintenant, regardez-moi ! »

Mais c’est là une imagination trompée. La Curiosité a eu le nez cassé, comme dit la pittoresque expression populaire. Ce qu’on a trouvé dans la Correspondance de Stendhal n’a pas été ce qu’on y cherchait. On y a trouvé certainement quelque chose de très-intéressant encore, de très-piquant, de très-instructif, mais non pas le dessous de masque auquel on s’attendait un peu, et auquel on avait eu grand tort de s’attendre ; car, au bout d’un certain temps, le masque qu’on porte adhère au visage et ne peut plus se lever. Le système s’incorpore à la pensée ; le parti pris vous a pris à son tour et ne vous lâche plus, et la spontanéité