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III

Les Intimes furent le commencement de la grande fermentation intellectuelle de M. Raymond Brucker. Il écrivit, après leur publication, près de trente volumes qu’il jeta dans le torrent de la publicité avec l’insouciance d’une de ces natures qui se sentent supérieures à ce qu’elles produisent, et qui, malheureusement pour elles, ne s’incarneront jamais de pied en cap dans une œuvre quelconque. L’œuvre est toujours trop petite pour tous ces ferments qui la gonflent et réchauffent. Ce vin de feu tombe en écumes folles par-dessus les bords de la cuve et en rompt les cercles sous la pression de ses flots puissants et ivres d’eux-mêmes… Comme une vaste fleur dont les parfums rayonnent, l’imagination de M. Brucker répandit ses arômes dans tous les sens, atteignit les esprits qui l’entouraient, les pénétra des fécondantes contagions de sa pensée, et, chez certaines organisations rêveuses jusqu’à la pesanteur et à l’engourdissement, força le génie, comme on force la bête, à se lever. « C’est vous qui m’avez mis la plume à la main », disait Mme Sand à M. Brucker à cette époque. Responsabilité terrible ! Parmi les livres que la pensée de M. Brucker débordait, il en est un, et c’est le plus oublié peut-être, qui s’appelle un Secret et qui en est trop un. Balzac en avait été profondément frappé, lui que si peu de chose pouvait atteindre du