Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/50

Cette page n’a pas encore été corrigée

morales. Ils croulaient par la conscience, la meilleure assise de nos œuvres et de nos pensées. Ils n’avaient pas ce qui doit se retrouver au fond de toute œuvre non pour qu’elle soit plus utile, mais pour qu’elle soit plus belle, car l’idéal dans les arts (si vous creusez bien), c’est la plus grande somme de moralité. Il n’y en avait pas dans ce livre où plus d’une page semblait l’écho de celle théologie de cabaret qui inspira Le Dieu des bonnes gens au poëte le plus sottement vanté de cette époque. Du reste, pouvait-on attendre mieux d’un roman de ce temps fait par deux jeunes gens, deux têtes trop vertes et dont le plus mauvais (nous avons le droit de dire cela à M. Brucker, puisqu’il se frappe dans son passé de toute la force de sa supériorité d’aujourd’hui) avait été élevé par un prêtre apostat et marié, qui, au lieu de lui apprendre à prier Dieu, avait empoisonné son enfance, en la plongeant dans le naturalisme païen du vieux Pline ? Certes, si l’ouvrage que l’on réimprime aujourd’hui avait reparu tel qu’il a été imprimé dans les éditions précédentes, nous l’aurions flétri sans pitié. Mais, aujourd’hui, précisément celui des deux auteurs que nous venons de charger davantage revient sur sa propre pensée, Puisqu’il l’a corrigée, c’est lui qui l’a flétrie. Courageux esprit, parce qu’il croit à une vérité absolue, il ne respecte point cette peau de serpent que l’amour-propre empaille encore, quand nos esprits ont fait peau nouvelle. Il reprend son ouvrage en sous-œuvre et il le refait dans le fondement même… Et de ce qui était faible de langage et immoral de sentiment et de tendance, il tire un livre parsemé d’aperçus, vivant de drame, abondant, familier, terrible, à pleine main dans l’observation