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de ne pouvoir, comme le prince de Ligne, lâcher quatorze coureurs devant sa voiture, avec un habit argent et rose ! Certes, il était bien loin, quand il écrivait son Létorière, de ses attendrissements plus mûrs sur les malheurs des mansardes, et il aurait fait tenir à distance les Couche-tout-Nu par ses chiens !

Encore une fois, nous le savons, c’était là une pose, la pose d’un esprit qui n’eut qu’un souci dans sa vie, — ce qu’on penserait et surtout ce qu’on dirait de lui. Or, il se trouva qu’on n’en dit rien du tout, d’où ses réflexions et sa mise des pouces avec l’âge. D’où les premières atteintes de sa misanthropie, de cette misanthropie qu’avait connue de La Touche, la mauvaise humeur de l’homme raté. Il eut pourtant la force encore de réagir contre elle. Sicambre qui ne baissa pas la tête, mais qui se retourna ! Ce fut la seconde phase de son talent. Il changea d’attitudes et d’allures, passant immédiatement d’un extrême à l’autre, comme chez la duchesse ; défaisant ce qu’il avait fait avec une obéissance désespérée à l’opinion la plus méprisée par lui jusque-là ; littérairement tombant au-dessous de lui-même, employant la riche palette que nous lui reconnaissons, son seul don littéraire, aux gravures sur bois du Juif Errant et des Mystères du Peuple, et, comme on l’a dit de M. Horace Vernet, courant à cheval pour écrire plus vite, ou en chemin de fer, couvert de la boue des bravos !

Alors le Socialisme, qui avait des doctrinaires, mais qui n’avait pas d’artistes, le prit pour son lauréat, son écrivain et son romancier, et lui jeta au cou cette chaîne d’éloges qu’un homme comme lui a dû impatiemment porter. D’artiste devenu homme de parti, il